RENCONTRES DE L'U2P : DISCOURS DE Laurent MUNEROT à Mme Elisabeth BORNE

Le 24 septembre dernier, lors des rencontres de l'U2P, le Président Laurent MUNEROT a livré un discours en présence de Mme Elisabeth BORNE, Ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion. 

Madame la Ministre,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les Présidents,

Mesdames et Messieurs, chers amis,

En préambule, bienvenue à tous dans ce beau décor qui symbolise bien la proximité et qui prend tout son sens aujourd’hui avec les nouvelles que nous avons eues.

Vous avez en effet la chance, Madame la Ministre, d’être assise à une table de bistrot, ce qui ne sera pas le cas dans quelques jours, à Marseille par exemple, et ce qui pose de nombreux problèmes à nos collègues qui vont souffrir de cet état de fait.

Nous regrettons beaucoup – nous comprenons, mais nous regrettons – des décisions qui vont entraver l’activité alors que nous avons besoin de confiance.  

Merci, Madame la Ministre, d’avoir accepté d’ouvrir les Rencontres de l’U2P 2020 qui se tiennent dans un contexte inédit pour la France, pour notre économie, pour nos entreprises.

Notre actualité commune, c’est à la fois l’agenda social 2020-2021 et le volet cohésion du Plan de relance, en particulier la sauvegarde de l’emploi, avec le dispositif d’activité partielle, la formation et l’emploi des jeunes.

La conférence de dialogue social du 17 juillet a marqué en quelque sorte le démarrage de l’action de votre gouvernement, 2 jours après le discours de politique générale du Premier Ministre devant les députés.

C’était aussi un signe fort adressé aux partenaires sociaux, qui nous a permis de nous accorder, avec le gouvernement, sur une méthode et sur un calendrier.

3 objectifs, que nous ne pouvons que partager, structurent l’agenda social jusqu’à la fin du quinquennat :

1) surmonter la crise ;

2) transformer notre modèle social et environnemental ;

3) assurer le financement pérenne de notre système de protection sociale.

Au total pas moins de 17 chantiers majeurs.

J’aimerais revenir brièvement sur 5 d’entre eux, en affirmant d’emblée que l’U2P sera aux côtés du gouvernement chaque fois qu’il s’agira d’œuvrer en faveur des entreprises de proximité pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle en tant que producteurs, employeurs, formateurs, créateurs de richesse économique et de lien social, et aussi ambassadeurs de notre art de vivre.

Le Premier Ministre n’a de cesse de le rappeler : la priorité n°1 est la sauvegarde de l’emploi. C’est la finalité du plan de relance.

Le dispositif d’activité partielle a été décisif pour des milliers de nos entreprises et certains secteurs dont l’activité est sinistrée continuent d’en bénéficier.

Mais la remise en cause des critères et la diminution du montant de l’allocation versée par l’Etat nous inquiètent.

Il ne faudrait pas que des décisions trop prématurées entraînent les suppressions d’emplois que précisément les aides de l’Etat pendant le confinement ont permis d’éviter.

Ce d’autant que le dispositif d’activité partielle de longue durée, est pour l’instant taillé pour de très grandes entreprises et que ses paramètres s’avèrent inadaptés aux plus petites.

Concernant l’emploi des jeunes, pas moins de 25 mesures du volet Cohésion du Plan de relance lui sont consacrées. L’U2P salue ces mesures.

Nous nous félicitons de la continuité du soutien du gouvernement à l’apprentissage et de la décision, en réponse à la demande de l’U2P, d’élargir l’aide prévue pour les contrats d’apprentissage aux contrats de professionnalisation.

Nous sommes convaincus que cette décision permettra d’éviter le trou d’air que nous avions connu en 2008, avec la chute des contrats en alternance et les difficultés de recrutement qui avaient suivies dans les années 2010.

Je voudrais d’ailleurs rappeler le problème crucial des difficultés de recrutement que connaissent encore la majorité de nos professions.

Dans la période que nous abordons, qui peut se permettre que des emplois restent non pourvus ?

L’enquête trimestrielle que nous effectuons auprès d’un panel de 6 200 entreprises représentatives de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales a montré qu’au second trimestre 2020, c’est-à-dire en pleine période de confinement, les difficultés de recrutement ont persisté à un niveau de 26% des entreprises interrogées.

Vous reconnaitrez, Madame la Ministre, qu’il est réellement inquiétant qu’une entreprise sur 4 rencontres encore des difficultés pour pourvoir les emplois qu’elle propose.

Nous nous félicitons donc de la concertation prévue entre l’Etat, les branches professionnelles concernées, et les financeurs de la formation professionnelle, en vue d’aboutir en mars 2021 à un plan d’action, par type de métier en tension.

Nous partageons l’objectif d’identifier les secteurs et emplois les plus concernés, les causes des tensions, comme le manque d’attractivité ou le déficit de compétences…, et mettre en œuvre des réponses adaptées à chaque cas de figure.

Nous nous félicitons de la mise à contribution des régions qui, nous l’espérons, travaillerons avec les partenaires sociaux territoriaux, pour faire remonter d’ici à la mi-octobre les besoins des bassins d’emploi.

Vous pouvez compter sur l’U2P et nous avons déjà mobilisé les Commissions paritaires régionales pour produire des éléments de diagnostic à verser au débat national.

Cette question des métiers en tension m’amène à évoquer Pôle Emploi et l’urgence que Pôle Emploi se concentre, dans sa mission d’accompagnement des entreprises, en particulier sur les petites.

C’est inscrit dans la convention tripartite Etat-Pôle Emploi-Unedic, cela doit se vérifier dans les faits. C’est d’autant plus important que dans nos entreprises, c’est le chef d’entreprise lui-même qui s’occupe du recrutement.

S’il ne trouve pas de candidat satisfaisant dans des délais acceptables, le projet de recrutement est le plus souvent abandonné et cela conduit à refuser certains marchés.

Autre sujet en lien avec l’actualité de la relance : le protocole national pour assurer la sécurité et la santé des salariés en entreprise face à l’épidémie de covid-19.

L’U2P a approuvé ce nouveau protocole et s’est immédiatement engagée dans l’information des entreprises qu’elle représente, car pour nous la priorité des priorités est la continuité de l’activité.

Nous demandons au gouvernement que soient clarifiées les règles concernant, d’une part l’impact sur nos entreprises des salariés qui pourraient être atteints par le covid-19, et d’autre part la question des cas contacts.

Je viens de vous saisir par courrier à ce sujet et nous avons besoin de votre réponse rapide, car elle conditionne la continuité de nos activités.  

Le 2e volet de l’agenda social, c’est la transformation de notre modèle social et environnemental.

Sur ce volet, je souhaite attirer votre attention sur 3 sujets. Tout d’abord un mot sur le télétravail : c’est une évidence de rappeler, Madame la Ministre, que l’immense majorité de nos métiers ne peuvent s’exercer qu’en présentiel – coiffer, bâtir, couper une viande, créer un bouquet, soigner…-. Seules certaines professions libérales peuvent être concernées par le télétravail.

Nous venons, dans un cadre paritaire, d’établir un diagnostic. Nous avons d’ailleurs avec les deux autres organisations interprofessionnelles données notre accord pour ouvrir une négociation nationale interprofessionnelle.

Notre objectif est avant tout d’établir un guide pour les entreprises des professions qui voudraient recourir au télétravail.

Dans un temps où le Premier Ministre dit avec force qu’il nous faut apprendre à vivre avec le virus et que l’activité doit reprendre et s’intensifier : les manifestations doivent se tenir, les actifs doivent travailler, sortir, se déplacer, nous considérons qu’il faut être extrêmement prudent sur le niveau de télétravail à viser.

En effet, le télétravail n’a pas seulement un impact Les sur les entreprises qui peuvent l’organiser et leurs salariés.

Les comportements de consommation et d’achats des actifs sont différents quand ils restent chez eux.

Le télétravail impacte donc directement un grand nombre d’activités de proximité.

Sur la santé au travail, l’U2P s’emploie à ce que la négociation en cours au niveau interprofessionnel aboutisse à un accord.

Comme vous le savez, nous portons deux priorités. 

D’une part, celle d’une offre de service minimale, qui n’existe pas aujourd’hui, dédiée aux plus petites entreprises, alors que nos entreprises payent pour cela.

D’autre part, une véritable articulation entre médecine du travail et médecine de ville permettant à la médecine du travail de se concentrer sur son cœur de compétences et les situations les plus graves.

Le 3e sujet, Madame la Ministre, c’est le congé de paternité.

On ne peut pas accuser nos secteurs ni nos entreprises d’aller à l’encontre de la famille.

Les chefs d’entreprise de proximité tiennent naturellement compte de la vie privée de leurs salariés dans l’organisation du travail.

C’est dans leur culture.

Mais cet équilibre repose sur la flexibilité : dans une entreprise de trois salariés, - c’est la moyenne chez nous -, l’absence d’un salarié représente un tiers des effectifs, il faut donc l’organiser.

L’U2P ne conteste pas la pertinence de ces réformes au regard du développement de l’enfant et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mais il faut du temps pour les adapter à nos entreprises, qui sont déjà au four et au moulin entre les mesures sanitaires et le maintien de l’activité.

Le contexte actuel doit mettre la priorité sur les mesures de sauvetage et de relance, pas sur l’ajout en urgence de nouveaux acquis sociaux.

C’est pourquoi, et nous l’avons dit, nous regrettons que la question du congé parental n’ait pas été reportée.

Permettez-moi également d’attirer votre attention, Madame la Ministre, sur les travailleurs de plateforme et le souhait du gouvernement de définir un modèle social protecteur pour ces personnes.

Comme vous le savez, le droit social français distingue 2 statuts, celui de salarié et celui de travailleur indépendant.

L’U2P refuse le contournement du droit organisé par certaines plateformes numériques, notamment dans le domaine du transport de personnes et de la livraison de repas.

Ces plateformes s’attachent la force de travail de personnes qui ont un statut d’indépendant (le plus souvent de micro-entrepreneur) sans en avoir les caractéristiques.

Ces travailleurs interviennent majoritairement pour une seule plateforme numérique, dans un cadre de travail proche du salariat, mais sans bénéficier de ses avantages ni de sa protection sociale.

En témoignent les multiples arrêts rendus en France et à l’étranger contraignant à une requalification de ces travailleurs en salariés.

La Californie a légiféré en septembre 2019 afin d’obliger les plateformes de mobilité et de livraison à requalifier leurs travailleurs en salariés.

Faudra-t-il attendre 10 ans pour que la France se rallie à la position californienne, alors qu’actuellement elle prend le chemin opposé ?

L’évolution actuelle du Code du travail tend à préciser toujours plus la responsabilité sociale des plateformes – je veux parle des modifications introduites par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et par la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

Ces dispositions s’apparentent à la création d’un 3e statut, auquel nous sommes totalement opposés.

La protection sociale a un coût qui se chiffre en milliards. Les employeurs et les travailleurs indépendants soumis au droit commun le vivent tous les jours dans les cotisations qu’ils doivent acquitter.

Ce point rejoint le 3e et dernier volet de l’agenda social : celui d’un financement pérenne de notre système de protection sociale.

La question de la protection sociale des travailleurs de plateforme numérique ne se pose pas seulement en termes de couverture sociale et de droits sociaux, mais aussi de financement à court, moyen et long terme.

La crise sanitaire a fait ressortir le poids des cotisations sociales des entreprises de droit commun à travers les dispositifs d’exonération ou de report des cotisations sociales.

En tant que partenaire social, gestionnaire des Caisses de sécurité sociale ainsi que de l’assurance chômage, l’U2P s’oppose à la juxtaposition de régimes qui, à l’instar de celui de la micro-entreprise, ne parviendraient pas à s’équilibrer et pèseraient de façon croissante sur la solidarité nationale.  

Je terminerai mes propos, Madame la Ministre, avec un sujet de fond que nous avons ouvert l’année dernière avec le précédent gouvernement.

Je veux parler de la représentativité des organisations patronales.

L’U2P a dénoncé l’année dernière l’accord du 2 mai 2016 entre l’U2P (ex UPA), la CPME et le Medef, conclu dans l’urgence et sous la contrainte des représentants des grandes entreprises. Nous avons constaté, à nos dépends, que les règles de la représentativité patronale ont été faites par et pour les grandes entreprises.

L’U2P a mené une réflexion pour une représentativité équilibrée des organisations professionnelles qui a débouché sur 5 propositions de modifications législatives, que nous avons adressées en juillet 2019 au gouvernement et à la représentation nationale.

Dans le climat social actuel - c’était vrai en 2019 et cela l’est plus encore - , le dialogue social ne doit pas être monopolisé par les très grandes entreprises, les TPE PME doivent pouvoir faire entendre leurs voix

C’est un équilibre essentiel dans le contexte de la démarche de restructuration des branches professionnelles poursuivie par le gouvernement et pour la relance économique.

Nous demandons au gouvernement de se mettre autour de la table avec les organisations interprofessionnelles patronales, pour étudier nos propositions qui ont été formulées dans un esprit constructif.  

Vous le voyez, Madame la Ministre, le fil conducteur de nos réflexions et de nos propositions est clair et persistant : nous demandons au gouvernement, à la loi, au cadre réglementaire, de prendre en compte les entreprises de proximité à leur juste place, afin de réduire les inégalités de tous ordres qu’elles subissent et faire en sorte qu’elles donnent leur pleine contribution à la nation.

Nous sortons d’une période où les entreprises de proximité ont été au cœur du plan de sauvetage de l’économie. 

Nous vous proposons de les placer au cœur de l’agenda social.

Je connais la qualité du dialogue noué entre l’U2P et votre Ministère.

Je suis confiant sur nos échanges à venir.

 

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